"Je sais poser du papier peint, tu t'y connais en informatique, alors pourquoi ne pas échanger nos savoirs ?" C'est un peu dans cet esprit qu'est née Potes en Sel (Système d'échange local) à Amiens.

Lionel, Françoise et Jean-Louis nous parlent de leur association.

Vivre ensemble. Comment est né Potes en Sel et quels en sont les objectifs ?
Lionel. Historiquement, ce système d'échanges est né pendant les crises, à des moments où les gens n'avaient plus beaucoup d'argent. A Amiens, l'association est née en 2000, du désir de quelques-uns de pouvoir se donner un coup de main entre voisins. Je fais partie des fondateurs. J'avais envie de partager mes savoirs et d'en recevoir sans dépenser d'argent. J'avais entendu parler des Sel, j'ai eu envie d'en lancer un sur Amiens. Le principe est d'échanger des biens, des savoirs et des services sans rétribution, avec notre propre monnaie : les fleurs de Sel. En fait, c'est bien plus que cela. Notre association permet la rencontre, l'échange et la convivialité en valorisant la responsabilité de chacun, la coopération et la solidarité, dans un monde de plus en plus individualiste.


Comment fonctionnez-vous ?
Françoise. Nous sommes une association loi 1901. Pour pouvoir faire partie de l'association, il faut en accepter la charte et la signer. Nous nous réunissons une fois par mois et les décisions sont prises de façon collégiale. Il n'y a pas de président mais un animateur. Nous commençons toujours nos réunions par un temps d'accueil des nouveaux puis nous partageons le repas : une convivialité qui permet d'échanger de façon plus individuelle. Enfin, nous décidons des chantiers ou échanges de services ou de biens. Les personnes qui veulent échanger s'organisent.

Vous avez une monnaie d'échange qui n'est pas des euros. Quel en est le principe ?

Lionel. En effet, nous nous "payons" en fleurs de Sel. Par exemple, si je donne une heure de mon temps, je reçois soixante fleurs de Sel qui me permettront à mon tour de demander un service à un autre pote en Sel. Ce ne sera pas forcément celui pour qui j'ai travaillé. D'autre part, il y a un plafond maximum et minimum dans la gestion des fleurs de Sel, de façon à ce qu'il y ait toujours une réci­procité.

Mais pourquoi une monnaie d'échange ?

Lionel. Pour plus d'équité. A l'origine, la monnaie a été créée pour permettre aux gens d'acheter ou de vendre de façon équitable. Mais aujourd'hui, ce n'est plus vrai. Le système Sel est un peu un retour aux sources.

Comment vous positionnez-vous par rapport aux professionnels ?

Jean-Louis. Nous ne leur prenons pas leur travail. C'est toujours du dépannage occasionnel, il n'y a pas de services permanents. Par exemple, nous pouvons changer quelques tuiles sur un toit, pas refaire une toiture entière.
 

Personnellement, quelles sont vos motivations pour faire partie de Potes en Sel?
Lionel. Pour moi, c'est une façon de ne pas rester isolé dans un monde de plus en plus individualiste. Et c'est aussi par militantisme : beaucoup de gens critiquent le système écono­mique. Nous expérimentons autre chose : une mallette de survie prête à l'emploi. Les gens organisés s'en sortent mieux. J'ai à l'esprit que ça peut marcher à grande échelle. Nous travaillons à une société plus humaine.
Françoise, je suis mère au foyer. J'avais envie de valoriser mes compétences. Le Sel m'aide à découvrir mes propres ressources et à partager quelque chose pour avoir autre chose en échange. C'est une occasion d'aller à la rencontre des autres. Je suis croyante : mon prochain, il est où ? Je me sentais "manchote". Il me manquait quelque chose. Je me suis rendue compte que cela permet aussi de se frotter aux autres et de changer soi-même.
Jean-Louis. Au départ, je me suis intéressé à l'association parce que je n'avais pas les moyens de faire faire mes travaux ou le jardin. J'ai été emballé par la "philosophie" de Potes en Sel qu'on pourrait résumer ainsi : convivialité, bonne humeur, partage.

Propos recueillis par Edith de Bruyn

pour Vivre Ensemble en 2009




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